Les rocailles une architecture oubliée

Spécificité d’une architecture à Marseille & en Provence

Au cours du XIX° siècle, la cite phocéenne s’étend au rythme de l’industrialisation. Les familles aisées habitent la ville moderne comme les immeubles haussmanniens de la rue de la République. Cependant cette classe dirigeante veut occuper des emplacements moins contrôlés par la municipalité. Ses aspirations doivent se refléter dans de plus grandes propriétés. Des faubourgs à Marseille, des villas en Provence (Martigues, Tamaris…) sont ainsi crées où l’on met la ville à la campagne. lci tout est possible, tout est permis dans les constructions comme dans les pares attenants. La nature, toutefois, fait encore peur. La Terre n’est pas entièrement explorée. Il faut l’apprivoiser dans des leurres de ciment et des mirages de jardin exotique. « On ne cherche pas […] un style rural authentique mais plutôt l’image de la nature à conquérir »


Le jardin « prend les formes de la montagne et les couleurs de la colonie ». Les domines revisitent aussi les styles architecturaux des siècles passés. De cette façon, on remonte le temps en reproduisant des espaces rustiques. Les projets des possédants se croisent alors avec ceux des rocailleurs et Michel Racine constate que « Nulle part ailleurs, on n’a trouve la variété dans les thèmes et la liberté de les traiter » Pierre Echinard, historien spécialisé dans le Marseille du XIX° siècle, l’explique ainsi lors d’une entrevue : « La bourgeoisie marseillaise ne s’est pas coupée du peuple, une base importante en est issue. Le statut social a changé mais pas les goûts, les moeurs, les façons de penser. L’opéra, la chanson avec l’Alcazar, le théâtre mais aussi le jeu de boules ou encore les spectacles de rue constituent un fond de culture commun ». D’autre part, cette classe possédante côtoie souvent les habitations populaires. Sur la Corniche, le cabanon est en bas des grandes propriétés. Le poste de chasse n’est pas loin non plus. Cet univers urbain va favoriser une certaine émulation entre les propriétaires et les rustiqueurs. Mme Rocchi, fille et petite-fille des Gagliardone, déclare au cours d’un entretien « qu’ils (les rocailleurs) se connaissaient bien. ils allaient souvent se voir sur les chantiers ». Certains sont italiens ou d’origine italienne comme les Gagliardone, Amoletti, Gardini, Ughetto, Mora. Marseille est alors la première ville italienne de France avec 20% de sa population issue de cette immigration. Faut il y voir une influence dans leurs réalisations ? Pour Gardini, oui (voir chapitre Santa Lucia) pour d’autres, rien n’est sûr. Aucune école, aucun mouvement artistique n’ont été fondés par eux. Ils n’ont pas laisse d’ écrit non plus, toutefois leurs travaux présentent des caractéristiques communes.


Voici quelques uns de ces exercices de style découverts au cours de mes pérégrinations:

  • Transposer une partie de son univers quotidien avec les mises en scène des fausses fenêtres et fausses portes.
  • Laisser une trace de son passage en parsemant le chantier d’objets dans le ciment comme des outils, chapeaux, vêlements…
  • S’amuser en trompant le propriétaire ou le visiteur avec ces mêmes objets ou dans des agencements bizarres de troncs ou de rochers.
  • Fabriquer un bestiaire hétéroclite de lézards, pigeons, chats… qui se baladent sur les faux troncs ou les rochers reconstitués.
  • Transformer certains rochers pour faire apparaître des êtres chimériques proches des grotesques des jardins italiens de la Renaissance.
  • Parsemer les jardins de surprises inattendues, sculpter des plantes qui n’existent pas.
  • Imaginer toutes sortes de fausses réparations en y ajoutant de vrais éléments comme des ferrures, des clés.

Ces façonniers du ciment, un peu maçons, un peu touche à tout étaient ainsi de véritables artisans-artistes épris de créativité. Avec eux, nous plongeons dans leurs rêves irrigues par leur imaginaire, leur humour populaire et par l’image d’une nature idéalisée.

Extrait du livre Les rocailles une architecture oubliée – Flâneries insolites dans Marseille et ses alentours

Écrit en hommage à deux défenseurs passionnés des rocailles : Gérard Faure & Jean-Léopold Renard

De Yves Gauthey, avec la participation de Jeannine Anziani et Anne Skrhàk